Un mélange de défi et de furieuse détermination monta en moi.  Je ne m’étais jamais sentie de la sorte.  Lorsque l’obstétricienne fut prête, je rassemblai tout ce que j’avais de force en moi pour amorcer la première contraction.  Je poussai deux fois sans résultat.  Sachant que la prochaine contraction était la dernière qui m’était allouée pour éviter une césarienne, je saisis la main de Gerhard, plongea mes yeux dans les siens avec une détermination hors du commun et je poussai à nouveau avec tout le reste d’espoir en moi.

Gerhard se souvient encore très bien de cet instant.  Jamais auparavant n’avait-il vu autant de courage dans un seul de mes regards.  C’est ainsi qu’une poussée fit enfin sortir la tête du bébé.  Gerhard me l’annonça avec tant de fierté et d’encouragement que cela suffit pour m’aider à pousser une seconde fois pour faire sortir le reste du corps.  Et c’est enfin avec un extrême soulagement que j’entendis pour la première fois le son si magique que furent les premiers pleurs de notre propre enfant.  À 1h14 du matin, notre beau garçon de 9 livres faisait son entrée dans le monde.

À ma grande déception, on ne me remit pas mon enfant dans les bras tout de suite.  Mon vagin s’était tellement déchiré à la sortie du bébé que l’obstétricienne voulait s’en occuper tout de suite.  C’est Holly qui prit mon bébé pour faire le test d’apgar et le peser.  Tout le temps de cette manœuvre, je parlais à mon garçon qui pleurait pour le rassurer : « Maman est là.  Ça va aller. Je vais te prendre bientôt. »  Sachant à quel point je désirais l’enlacer dans mes bras, Holly demanda à l’obstétricienne si elle pouvait me le donner. Elle accepta avec un peu de réticence mais finit par admettre que ce serait une bonne distraction pour moi pendant qu’elle serait occupée à me faire des points de suture.  Je me rappelle avoir ressenti de l’antipathie à son égard.  N’est-ce pas la meilleure chose à faire que de laisser une toute nouvelle mère tenir dans ses bras son bébé qui vient juste de naître ?  Je voyais dans le regard de Holly qu’elle me comprenait.

J’enlaçais enfin mon enfant que j’avais tant désiré.  Quelle sensation indescriptible ! Je tenais finalement dans mes bras le fruit de tant de labeurs.  J’étais aux anges !  En sentant mon contact, il s’arrêta de pleurer. Je commençai à lui parler d’une voix toute douce.  Puis je regardai Gerhard et nous nous sommes tout de suite mis d’accord sur le prénom que nous lui donnerions : Elliot.

Une fois que mes points de suture furent terminés et que l’examen et les mesures d’Elliot furent complétés, je téléphonai à mes parents pour leur annoncer la naissance.  Ma mère était soulagée après avoir attendu ce téléphone pendant plusieurs heures.

Après cet appel, je tentai tout de suite ma chance à l’allaitement.  Dès que je présentai mon mamelon à Elliot, il le prit dans sa bouche et commença à téter comme si c’était la chose la plus naturelle du monde à faire.  Holly fut même surprise de constater avec quelle aisance ce premier boire se passait.  Gerhard profita de l’occasion pour filmer ce tendre moment.

Peu de temps après, je demandai à Holly de nous montrer le placenta pendant qu’elle en faisait l’inspection.  Elle prit le temps de nous expliquer les différentes parties.  Elle fut étonnée de constater la grosseur de celui-ci.  On aurait dit un placenta d’un bébé de 12 à 13 livres.  J’étais fascinée de contempler cette merveille du corps d’une femme enceinte.

Puis elle nous dit que la mesure de la circonférence de la tête d’Elliot était de 39 cm, ce qui était 4 centimètres au-dessus de la moyenne.  Elle avait dû mesurer à deux reprises pour s’assurer qu’elle ne faisait pas d’erreur. Pas étonnant qu’il ait eu de la difficulté à sortir.  En fait, le derrière de sa tête était bombé plutôt que le dessus, ce qui laissait croire qu’il se présentait par le derrière de sa tête plutôt que par le dessus.  Étant une femme petite et menue, ce fut un exploit que j’aie réussi à le faire sortir par voie naturelle. Cela expliquait aussi la déchirure de mon vagin au troisième degré (jusqu’à l’anus). Elle me rassura que la forme de sa tête allait se replacer naturellement.

 

Puis vint le temps de sortir de la chambre d’accouchement et de me diriger vers une autre chambre.  Holly et Marsy avaient apporté une chaise roulante près de mon lit pour que je puisse me déplacer sans avoir à marcher.  Lentement, je m’assis sur le bord du lit et quand je fus prête, Holly et Marsy m’aidèrent à m’asseoir dans la chaise roulante.  C’est alors que je commençai à me sentir étourdie et je leur dis tout de suite que je ne me sentais pas bien.  Je perdis connaissance.

La seule chose dont je me souvienne est que je sentis de l’eau sur mon visage et que Marsy me donna quelques tapes sur les joues pour essayer de me ramener à la conscience.  Je pensai aussitôt que je devais parler et je me mis alors à dire que je savais que j’avais dix doigts.  Je les regardai tous et je vis à quel point  mon état les avait affolés.  Gerhard me dit plus tard qu’après avoir dit que je ne me sentais pas bien, je m’étais mise à trembler de tout mon corps et que j’avais perdu connaissance.  En reprenant connaissance, j’avais dit des phrases qu’il ne comprenait pas puisque j’avais alors parlé en français plutôt qu’en anglais.  Il avait eu toute qu’une frousse en me voyant !

Après s’être assurées que j’avais retrouvé toute ma tête, Holly et Marsy me réinstallèrent dans mon lit et prirent ma pression. Elle était très basse ce qui expliquait ma perte de concience.  Afin de m’aider à me sentir mieux, Holly réussit à me trouver un sandwich à manger et un jus à boire.   Cela me fit du bien et je pus, dans l’heure qui suivit, être reconduite à ma nouvelle chambre avec Elliot.  Une fois bien installée dans mon lit, mes sages-femmes prirent congé en me disant que Holly viendrait me voir pour la première visite à la maison dans deux jours.  Gerhard les suivit peu après pour aller récupérer du sommeil.

Bien que j’avais passé deux nuits blanches d’affilée, je ne me sentais pas vraiment fatiguée.  De la fenêtre de ma chambre, je contemplai l’aube qui se levait faisant pénétrer dans ma chambre une lumière dorée qui m’enchantait. Les heures passaient et j’étais trop excitée pour dormir.  Je contemplais mon fils qui dormait si paisiblement dans mes bras ou dans son petit lit à côté du mien. Et lorsque je réussissais enfin à m’assoupir un peu, c’était le temps de la visite de l’infirmière ou du petit déjeuner.

Gerhard arriva vers la fin de l’avant-midi.   Bien que ses traits étaient tirés par le manque de sommeil, son visage reflétait son nouveau bonheur d’être père.  Nous prîmes des photos de chacun d’entre nous tenant Elliot dans nos bras.  Puis Gerhard s’occupa de lui le temps que j’aille prendre une douche.  Je marchais avec difficulté tant l’enflure et le malaise entre mes jambes étaient prononcés. Je savais que j’en aurais pour plusieurs jours avant que le tout soit bien guéri.

Je sortis de l’hôpital le lendemain vers midi.  J’étais fatiguée n’ayant réussi qu’à dormir quelques heures dans la nuit.  Les visites des infirmières, le bruit environnant et les boires d’Elliot ne m’ayant pas aidée à récupérer un peu.  J’avais hâte de me retrouver à la maison et de commencer ma nouvelle vie de famille dans le confort de notre foyer.

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